Pape Armand Boye s’est confortablement installé à la chaire de l’ingénierie du son en Afrique. Ce capital expérience et cette compétence notoire ont été acquis de haute lutte contre pérégrinations, sacrifices et éducation en Occident. Un panier à crabes duquel l’artiste ingénieur du son ne sort pas sans piqûres, mais survit avec vaillance et gagne plusieurs ressources qui illuminent son nom et son adresse dans l’univers musical.
Par Mamadou Oumar KAMARA
On pourrait parler de destin. Pape Armand Boye naît sept ans après l’indépendance du Sénégal, en 1967 à Rufisque. Un ancien comptoir portugais, une ville dont l’histoire remonte au 16ème siècle (les Lumières). Érigé en commune mixte franco-sénégalaise en 1880 (avant Dakar), Teunguedj (nom wolof de Rufisque) a néanmoins toujours conservé son fort ancrage traditionnel lébou et religieux. C’est dans cet environnement de plusieurs influences culturelles et cette ère néocoloniale, qui inspirent des postures autant révolutionnaires que mélancoliques, que Pape Armand voit le jour et évolue. Son caractère et sa progression en seront quelque peu forgés, les notes de sa musique aussi.
Musicien et producteur, Pape Armand Boye est un ingénieur du son de génie et de renom, aussi. C’est aussi un globe-trotter qui est rentré au Sénégal « par devoir » d’abord, et surtout pour aider à relever la qualité dans le domaine de l’ingénierie du son et la musique. Dans ce projet, il sert le Studio LaBoutique comme une planche de salut (voire l’article ci-contre). Quand il nous reçoit chez lui ce matin de vendredi, dans son studio à Dakar, Pape Armand se révèle dans toute son affabilité. Resté racé malgré la mise décontractée, le sourire bienveillant qui ne voile pas tout à fait son allure grave, Pape Armand Boye garde en tout sa mesure. Il confirme l’impression plus tard dans l’entretien : « J’ai toujours eu de la retenue, je n’ai jamais été dispersé. Ça m’a notamment permis de ne pas m’être perdu, bien que je sois resté longtemps loin de mon pays », confesse l’artiste.
Sa grande taille et sa gestuelle tempérée prononcent sa civilité, et la canitie clairsemée suggère sa sagesse. Il a fallu bousculer l’artiste pour qu’il ose le « je ». Dans son travail, il dit éviter l’exécution systématique. Il écoute l’autre, fait attention aux mots et aux gestes, car « il apprend de chacun et essaie de comprendre pour donner le meilleur service ». Pape Armand confirme l’attitude durant l’interview, en gardant une courtoise concentration et le souci de la justesse. C’est seulement quand il parle de ses matériels, dit leurs histoires, leur application et leurs fonctions qu’on voit ses yeux s’enflammer. Normal, il s’agit de sa passion. Ingénieur du son, chanteur, instrumentiste, « guitariste béni » (un sobriquet qu’il a gagné dans la presse allemande), producteur, Pape Armand Boye s’est lui-même chargé de l’acoustique du studio. Un couteau-suisse de la musique.
SES INFLUENCES, SES DÉBUTS ET LE FAUX CUL-DE-SAC
Il a 16 ans quand le jeune Pape Armand entend Ismaël Lô à la radio, lunaire avec sa guitare et son harmonica qui l’accompagnent. « Ça a été un effet magnétique sur moi. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse ça », se remémore-t-il, 40 ans plus tard. À partir de ce coup de foudre et durant 4 ans, il taquine la guitare à l’insu de son grand frère, en reprenant des notes de Ismaël Lô, Bob Dylan, etc. « Mon autre frère, Touré Boye, qui était étudiant philosophe, écoutait aussi beaucoup de musiques qui m’influençaient », renchérit Pape Armand.
Son attrait pour le son s’est révélé à la même période, en 1988. « Cheikh Gueye, un bassiste qui enseignait les Sciences naturelles au Lycée Abdoulaye Sadji, m’avait offert une Fostex 4 Pistes qui a réveillé ma passion du son », énonce la voix reconnaissante de Pape Armand. Il a ensuite fait beaucoup de recherches et de pratique, avant d’apprendre académiquement le son plus tard. Il a été à l’Université de Berkeley (2ème université du monde après Harvard) pour se former au scoring pour la musique de film, l’analyse de la production et la postproduction.
Seulement, il s’est réellement découvert musicien à travers son grand frère Badu Boye. Ce dernier militait et jouait de la musique dans les lycées avec le Front culturel sénégalais, plus connu sous le nom de « Mouvement Caada Gui ». C’était un mouvement révolutionnaire de gauche promu par les étudiants et jeunes intellectuels au Sénégal, dans les années 1970. Ce parcours va être déterminant dans le duo que les deux frères vont former plus tard, avec le groupe Tama de Rufisque. Beaucoup continuent encore de considérer que c’est le premier groupe folk sénégalais.
« Nous avions emprunté le discours de fracture et de patrimoine de ce courant révolutionnaire. Nous faisons beaucoup référence à la lutte des classes sociales, les conflits sociaux, l’environnement, à des figures politiques tels que Lamine Senghor, etc. Je garde ce discours, mais c’est devenu moins tranchant et plus spirituel avec l’âge. (…) Tama de Rufisque a eu une gloire éphémère, c’était une petite flamme qui a brillé quelques minutes dans les ténèbres. Mais c’était utile, car il a créé de l’espoir et est resté dans beaucoup de cœurs », se résigne Pape Armand. Tama de Rufisque, c’est donc entre la fin des 1980 à 1993. Le duo a toutefois laissé en héritage un opus majeur de 8 titres, « Woyu Talibé ». Les deux frères Boye étaient accompagnés par les instrumentistes du Super Etoile de Dakar sur cet album mixé par Habib Faye et produit par leur ami, Djibril Sow.
Avec le recul, Pape Armand explique ce passage éclair par leur « personnalité musicale intellectuelle », qui restait pour un public restreint. C’était l’époque où le marché de la distribution était accaparé par le mbalax et Talla Diagne qui disait que « cette musique ne se danse pas ». « Les Sénégalais sont très ouverts en musique et ont toujours tout écouté. Je trouve qu’on nous avait bien accueillis d’ailleurs. Mais nous restions victimes d’une industrie de Baol-Baol pas prêt pour le folk ou la country d’ici. Le reggae a d’ailleurs décliné à cette époque », analyse l’un des pères du folk sénégalais.
LA VADROUILLE SALUTAIRE ET LA RENAISSANCE
Après la décroissance de Tama de Rufisque, les frères Boye se rendent en Casamance puis en Gambie où ils restent 6 mois, « pour se faire de l’argent, pour des raisons personnelles ». La Gambie aurait bouleversé leur conscience, avec le pragmatisme proprement anglophone. La première baffe intervient dans un club où ils font un monologue pour vendre leur art. « Le patron nous regarde bizarrement et nous signale que nous sommes bavards. Il nous dit que si nous sommes sûrs de pouvoir, nous n’avons qu’à prendre les instruments. J’ai su que l’espace-temps qui nous séparait est énorme », se choque 30 ans après Pape Armand, qui s’offusque qu’au Sénégal, il suffit de beaucoup s’encenser ou de faire juste une bonne interview pour bien se rattraper même après un show minable.
Pape Armand prend ensuite le chemin pour Hambourg. Là encore, la rigueur estampillée allemande et le racisme le ramènent de plein vol. « J’étais comme une greffe logée dans un corps qui cherchait à la rejeter chaque jour. M’en rendre compte très tôt m’a sauvé. J’ai su que je devais me concentrer sur mes obligations et ne pas m’assimiler », dit le Rufisquois et Lébou affirmé qui a vécu presque dix ans dans cette ville portuaire allemande. Il se produisait dans les culture-house (maisons de culture) où ils étaient « parqués intellectuellement » et culturellement, ses compères et lui. « Ça m’a quand même permis d’être plus sage dans ma compréhension artistique », relativise le musicien. Mais il n’entendait pas exclusivement égayer des clubbers.
En 2000, il débarque à Paris. En ce temps, le jazz est au centre de mes recherches et il trouve un niveau académique dans les jam-sessions. « Là, je vis l’angoisse existentielle. J’ai senti avoir vécu dans des illusions toute ma vie et je me demandais si j’étais vraiment musicien. J’ai vu que, techniquement et musicalement, nous étions encore très en retard », se souvient-il de ce sentiment qui le pousse en partie à capaciter la jeune génération. Selon lui, on qualifie ici trop facilement les gens de génies pendant qu’ils sont trop loin du but. Il atterrit ensuite à New Haven, vivant deux années à l’Université de Yale où logeait sa femme.
Aux États-Unis, il se ravit de la générosité des Américains qui ont foi au talent et s’intéresse beaucoup au musicien dans son humanité, au-delà de la musique qu’il joue. Il est à noter que durant tous ses séjours, il ne cessait de se mouvoir et promener son baluchon spirituel et musical. Il a également travaillé aux côtés de plusieurs grands noms de l’ingénierie du son et de la musique en général (Clifton Hyde, Mojo The Cinematic de Dujeous, Idan Raichel, Henry Hirsch, Chris Theis, Will Martina, Tim Spohn, Grunwald, Axel Ruhland, …).
UN NOM QUI COMPTE
Le capital expérience et la sérénité retrouvée engendrent d’abord l’album « Xareba », en 2007. Puis, paraît comme une confirmation en juin 2013, à New York, l’album « Between Lines » (Entre Les Lignes), à travers le duo Djustpora qu’il partageait avec la chanteuse sénégalo-canadienne, Ouly Niang. C’est un peu l’aboutissement, en 10 titres, du parcours et des sensibilités de Pape Armand durant toutes ces années. Les critiques saluaient à l’époque « un mix rare et équilibré de divers genres musicaux, de mélodies et de rythmes traditionnels d’Afrique de l’Ouest au folk, à la soul et la pop ». Le producteur Blair Clark en disait ceci : « D’habitude, je n’aime pas trop la musique occidentale avec des chansons dans d’autres langues. C’est presque toujours mauvais, mais pas cette fois-ci ».
Il avait aussi retrouvé entretemps, à Paris, son binôme du « Tama de Rufisque » et grand frère Badu Boye, qu’il produit pour son album « We Can Win » en 2012. Les périples de Pape Armand Boye ont façonné, au-delà de son identité artistique, son caractère d’homme. « L’évolution de l’humain est intimement liée à ses joies et ses souffrances. Il s’agit de ses aventures et ses expériences. À la fin, il en sera à ne plus distinguer l’artiste du journaliste, l’architecte du maçon. Ce que tu fais dans tes activités est le prolongement de ton identité », raisonne le disciple mouride qui a lu. « Ainsi parlait Zarathushtra » de Nietzsche à 14 ans. C’est ce cœur d’homme (presque) abouti qui s’est décidé à rentrer à 2018 après avoir richement chargé son âme et son esprit, pour venir implanter comme une fleur bénie le Studio LaBoutique à Dakar.
PAPE ARMAND BOYE, INGÉNIEUR DU SON
« C’est à partir du patrimoine qu’on peut inventer le son sénégalais typique »
« L’ingénieur du son règle le volume, la réverbération, la brillance, l’équilibre des voix selon la commande artistique ou sa sensibilité propre. Son objectif est de communiquer aux auditeurs une émotion, de faciliter la perception d’un style de musique ». Voilà une définition de l’ingé-son, qui doit ainsi maîtriser son matériel de travail et l’immatériel qui fonde son être. C’est en outre ce qu’enseigne Pape Armand Boye dans cet entretien.
Propos recueillis par M.O. KAMARA
Comment l’ingénieur du son peut-il améliorer la musique ?
La musique de Youssou Ndour a connu une énorme progression au fil des années avec Habib Faye. Ismaël Lô a un son unique, car il le maîtrise et a une longue histoire avec les studios. Ses albums ont une cohérence sonore par sa voix, son harmonica et sa guitare. Il réalise lui-même sa signature sonore. Pour Super Diamono et Xalam, tu sens aussi des sons singuliers. Ils sont tous en avance, à force de pratique. Il faut que nous, ingénieurs du son, rejoignons le mouvement pour créer des sons spécifiques avec ce genre de musiciens. Des jeunes comme Obree Daman, Iss 814 et Samba Peuzzi, il leur faut des ingé-son qui travaillent avec eux en parfaite intelligence pour y arriver. Il sera bon d’avoir un son sénégalais, tel qu’on a les sons distinctifs allemand, espagnol, américain, français. Les sons du rock et du métal sont créés par des ingé-son. Après, c’est facile quand l’artiste a une vaste culture musicale et est nourri de références.
Comment construire ces sons sénégalais ?
D’abord, il faut former de jeunes ingénieurs du son, même dans le tas, et leur faire comprendre les époques du son. C’est comme on enseigne l’Histoire de l’art aux apprentis plasticiens. Il leur faut comprendre qu’est-ce qui a fait qu’on soit passé de l’analogue au digital, quelles sont les écoles du son, connaître les micros et comment les positionner, comment utiliser les saturations et la distance, la room, comment disséquer les pistes et enfin les techniques. Le micro est un élément central. Si on sait comment le positionner, c’est terminé. Ça ne nécessite pas forcément trois ans de formation. Quelques mois voire semaines suffisent pour les doués.
Pour arriver au son sénégalais, il faut s’inspirer du patrimoine. C’est là qu’il faut puiser pour faire adhérer le Sénégalais qui écoute. Nous sommes trop orientés vers le futur alors qu’on ne construit pas l’avenir sans les ingrédients du passé.
Peut-être parce que c’est plus complexe …
Je pourrais passer une année à enregistrer le bougarabou. Il n’y a rien de plus riche et exaltant. La batterie est compliquée, mais ça s’apprend normalement. Nos instruments sont spirituels. Quand tu enregistres des flûtistes ou le tama, à un certain niveau, je te jure que tu sembles entendre des voix humaines. C’est extraordinaire ! On peut te traiter de fou quand tu en parles, mais tu entends bien des choses quand tu travailles le son des instruments traditionnels. Cette singularité, il faut que les jeunes en soient conscients et l’investissent. Notre musique est plus complexe. Les jeunes regardent ailleurs, or tout est ici. Il n’y a pas deux Youssou Ndour, deux Baaba Maal, deux Omar Pène ou deux Thione Seck dans le monde. Où ailleurs tu vas trouver Laye Mboup ou Kiné Lam ? C’est l’impérialisme qui dicte notre esprit. Il est l’heure de renverser la vapeur.
STUDIO LABOUTIQUE
Un laboratoire de bons sons et de l’enchantement
Le lieu était parti pour être une boutique du son épuré, pour déparer la cacophonie qui a fini d’installer ses quartiers sur une bonne partie des scènes sénégalaises. Mais, par le génie et le riche passif de son propriétaire, Pape Armand Boye, Studio LaBoutique s’affirme tel un laboratoire de la musique et de ses énergies, le « place to be » des puristes d’ici et d’ailleurs.
Par Mamadou Oumar KAMARA
Studio LaBoutique. Ces deux mots peuvent être quelconques, mais en locution, ils provoquent un émerveillement chez les initiés. Logé à Dakar, à Ngor-Almadies, c’est un studio d’enregistrement de pointe, ultra moderne et qui s’inscrit aux normes internationales les plus exigeantes. « Nous faisons partie des leaders. Tous les musiciens qui entrent au Sénégal nous contactent », sourit le maître des céans, Pape Armand Boye, aux côtés de son acolyte et gérant du studio, Sidy Seck.
Studio LaBoutique offre des services d’enregistrement, de mixage, d’editing et de mastering, d’audio postproduction, des cours sur le son, de scoring et tient des collaborations artistiques partout dans le monde. C’est un endroit chic niché au rez-de-chaussée de la demeure de son promoteur. Par son installation, il est une sorte de Disney Land miniaturisé de la musique et du son. Le visiteur balade entre les impressions de musée, de parc de merveilles, de lieu (de) culte, de studio bien sûr, et de boutique. Une large gamme de guitares modernes et traditionnelles orne une partie des murs. Une batterie de percussions se dresse entre le bureau des consoles et pistes, et le plaisant « salon de café ». Ce dernier donne, à sa droite, sur la piscine qui ajoute à la sérénité de son jardin et de tout le lieu.
Le lot de casques et de micros provoque aussi de la séduction. Ce micro, élément central, duquel Pape Armand dit que « savoir le placer fait presque toute la différence dans la fabrication du son ».
Pape Armand s’est taillé le « must have » pour le matos de son studio, sans être pourtant maximaliste. Dans LaBoutique, on trouve l’Api 512 qu’on retrouve dans les classiques de rock sur la caisse claire. On contemple aussi l’Api 550 créé par Saul Walker, le préampli 3124, le Millennia qui est une légende de l’enregistrement de la musique classique, un convertisseur Lynx rare au Sénégal, un Great River « qui est encore réparé par son créateur Dan River en cas de défection ». Liste non exhaustive. Encore, c’est lui-même qui a fait l’acoustique du studio. Exigeant avec lui-même, minutieux jusqu’à la moelle et as de la rigueur, Pape Armand ne veut rien laisser aux soins du hasard. Il souhaite surtout répondre à l’esprit de son projet.
INTELLIGENCES EN FUSION
Le nom LaBoutique pour le studio est pour ce qu’il évoque dans l’imaginaire du Sénégalais. C’est l’endroit où trouver les nécessaires consommables du quotidien, un lieu de rencontres et de partage. Le boutiquier est un recours quand on est dépourvu. Quels que soient ton statut ou tes moyens, tu auras toujours besoin de quelque chose dans cette épicerie singulière. LaBoutique veut être ce grand univers dans un menu endroit où les sensibilités vont être satisfaites.
Le studio abrite, par ailleurs, un label, SLb, qui produit, en particulier, des musiques du terroir liées aux instruments traditionnels. « On promeut des jeunes talents, mais il faut tout de même que nous sentions ce côté patrimoine, ce truc qui valorise l’Afrique », renchérit le producteur, qui donne du prix aux échos de ses origines dans son travail. À ses tout débuts, en 2018, Studio LaBoutique avait démarré modestement. Entretemps, l’offre s’est copieusement élargie.
« Nous sommes aujourd’hui le seul studio à pouvoir faire des enregistrements live jusqu’à 48 pistes au Sénégal, voire en Afrique de l’Ouest. Je peux enregistrer tout l’orchestre philharmonique de Paris ici. Ça, même si tu n’es pas un gros studio à Paris ou aux États-Unis, tu ne le fais pas. Dans le milieu, on dit que Studio LaBoutique est devenu un passage obligé pour un musicien professionnel qui vient à Dakar. Le xam-xam (savoir), l’expérience et le professionnalisme font notre seul secret », soutient Pape Armand Boye, un tantinet fier. S’il s’engage ainsi à établir un meilleur plateau pour le son au Sénégal et en Afrique, c’est parce qu’il conçoit qu’« il y a encore un long chemin à faire ». « Je suis venu aider à relever le niveau du son, sans aucune prétention. Il y a aussi la transmission. J’aimerais que des jeunes puissent bénéficier de toute l’expérience que j’ai acquise. C’est pourquoi on s’organise pour faire beaucoup de sessions de formation », explique-t-il. Selon lui, il manque grandement de la spiritualité et de la créativité. Les musiques semblent se faire à la lettre. Le projet est quelque part né de cette pâmoison. Pape Armand Boye raconte qu’un jour, alors qu’il se trouvait encore à l’étranger, il a entendu une malheureuse plainte d’un artiste sénégalais de renom.
EXPÉRIENCE ET PROFESSIONNALISME
Ce dernier regrettait qu’une maison de disque anglaise lui avait refusé un album parce qu’il ne pouvait pas enregistrer un bon son au Sénégal. Cette anecdote est une des raisons décisives. L’autre message subliminal lui était apparu en pleine séance de travail, dans le studio d’un vieil ingénieur du son allemand. Ils travaillaient sur un projet de 96 kHz (kilohertz) et l’Allemand considérait que c’était impossible d’enregistrer avec ce format. Pape Armand réussit pourtant le coup par une rétrogradation, aussi rapidement et avec une telle aisance que le mentor en était subjugué. « Dans la seconde, il me demande avec bienveillance pourquoi je ne rentre pas pour aider à développer le son dans mon pays. J’ai commencé à sérieusement y penser à partir de cet instant », se rappelle l’ingénieur du son, tout en clarifiant qu’il a cependant toujours été question de rentrer au Sénégal.
Avec son expérience et ses compétences, Pape Armand Boye est devenu à lui seul un seul label. Il met cette notoriété au service de l’éducation et de la transmission. « Un jeune qui vient de la banlieue avec un « deux pistes » est émerveillé par mon studio, tandis que moi je suis étonné par le son qu’il produit. Ils ont beaucoup de compétences et d’intelligence, mais ce n’est pas validé », relève le cacique.
Pape Armand Boye se donne la mission sacerdotale d’accompagner cette jeune génération de talents, de l’aider à se décomplexer, se structurer, lui filer des astuces déterminantes, « sans la prétention de la formater ou de tout chambouler ». « À part cela nous continuons de travailler. Je n’ai pas de but particulier. Je veux juste que ce que nous faisons se sente et se fructifie des décennies plus tard. Nous voulons être utiles dans le temps en nous améliorant et en améliorant », professe le briscard.
Source : https://lesoleil.sn/portrait-musicien-et-producteu...